Bulle

1. Pourquoi avoir déplacé la gare ?

Depuis 30 ans Bulle vit une croissance régulière et forte. De 12’000 habitants en 1990, elle compte actuellement 26’000 habitants, d’où une croissance moyenne de 470 habitants/an avec une projection de 800 habitants/an pour les prochaines années. Dans ce contexte, plusieurs raisons ont poussé à trouver un nouvel emplacement pour la gare : l’exiguïté du site et donc la difficulté à développer l’offre, l’extrême difficulté à mettre l’ancienne gare aux normes Lhand, le souci de mieux connecter Bulle au réseau ferroviaire national, une interface bus qui a vieilli.

La chance a été de disposer de terrains disponibles et d’une zone d’anciens entrepôts à 300 m au nord, juste en bordure du centre-ville. Dessiner le futur s’est fait en trois étapes. Un mandat d’étude parallèle a posé le principe du déplacement de la gare en juillet 2013. Un plan d’aménagement de détail a été élaboré entre 2014 et 2018. Finalement, la conception des espaces publics a été mise au point entre 2018 et 2020 avec une approbation des plans en décembre 2020.

Construire une nouvelle gare a aussi été une manière de rendre possibles ces grands travaux tout en maintenant l’exploitation de l’ancienne gare. Il aura suffi de 2 ans de chantier pour que la nouvelle gare soit mise en service en décembre 2022. Elle comprend 7 voies ferrées et 6 quais. Simultanément la voie ferrée métrique jusqu’à Broc (5,5 km) a été remplacée par une voie normale. Le tronçon commun avec la ligne vers Châtel-St-Denis/Palézieux est équipé d’un troisième rail pour satisfaire les deux types d’écartement. De plus, de nombreux ouvrages en faveur des cyclistes ont été construits dans le corridor de la voie, en anticipation des prochains développements urbains.

2. Une nouvelle image de la mobilité et de la ville

Une forte identité se dégage de la nouvelle gare. Sa taille est généreuse et son organisation très lisible. Le voyageur est tout de suite frappé par les très belles marquises sur les quais, en lames de mélèze. Le jeu d’ombre de celles-ci donne du volume et de la texture à la très grande couverture des quais. Ensuite, le voyageur emprunte un passage inférieur très confortable (hauteur 3.45 m, largeur 12.30 m, longueur 62.00 m) qui s’ouvre sur une place de gare qui deviendra progressivement le point d’animation majeur du site. De l’autre côté, le passage inférieur se transforme en escalier magistral qui fera le lien avec les futurs quartiers et un espace culturel dans le dépôt historique, « la remise ».

Lorsque le voyageur débouche sur la place, il trouve sur sa droite le nouveau bâtiment de gare qui comprend aussi des activités, du logement, un hôtel 4 étoiles et un centre commercial. Devant lui à 60 m, il voit les 4 quais des bus urbains et sur sa gauche prendront place, en décembre 2025, les quais des bus régionaux. Le sol du passage inférieur et celui de la place sont en granit tessinois ce qui renforce la qualité et l’unité du lieu.

Le nouvel îlot résidentiel Lécheretta, l’îlot TPF (bâtiment de la gare) et la place de la gare confortent la rue Albert Rieter comme lien naturel vers le centre-ville. Cette rue ainsi que l’interface des bus urbains sont en zone 20 alors que la rue qui passe au-delà, le chemin des Crêts, est en zone 30.

Un itinéraire cyclable en site propre (voie verte) a été réalisé sur le côté nord des voies ferrées, sur une longueur de 2 km. Son équivalent côté sud des voies ferrées sera construit ultérieurement. Une rampe avec séparation piéton-vélo fait le lien entre la voie verte (ou le quai 1) et la place. Une vélostation comportant 260 places occupe le dessous de cette voie verte. Les abords de la gare comptent encore 200 places de stationnement vélo.

Tous les aménagements sont bien sûr adaptés aux personnes à mobilité réduite. A souligner : les guichets TPF comportent une partie basse conçue pour les clients en chaise roulante. Remarquable aussi : l’accès aux quais est double pour les personnes à mobilité réduite, d’une part avec une rampe à 10%, et d’autre part, avec des ascenseurs intégrés de manière exemplaire dans l’architecture des escaliers.

Finalement, les 90 places P+R actuelles sont maintenues au-dessus de l’ancienne gare routière régionale, à 100 m du débouché du passage inférieur.

3. Une stratégie globale de changement modal

Le projet s’inscrit dans une volonté de faire évoluer les parts modales. Le plan d’aménagement avait fixé 0,5 place de stationnement par logement pour le secteur de la gare. Actuellement toutes les places ne sont pas utilisées.

Les milliers d’emplois prévus par Rolex se feront avec un ratio de 0,3 places par emploi. Cependant, le défi consiste à diminuer l’usage de la voiture et à réduire l’offre de stationnement des entreprises déjà existantes.

La prochaine étape sera l’aménagement de la gare routière des lignes régionales à l’ouest de la place (les travaux ont été retardés en raison de dépollution du sol). A plus long terme, un bâtiment sera construit au-dessus de la gare routière régionale et délimitera la place de la gare.

Même si le projet a été conçu et construit en seulement 10 ans, aujourd’hui on réaliserait probablement un parking uniquement sous les bâtiments et une place de gare avec des arbres en pleine terre au lieu d’un îlot végétalisé autour des gaines de ventilation du parking.

Last but not least : tous les acteurs (TPF, Commune, Canton, privés) se sont fortement impliqués dans ce projet et l’ont soutenu avec conviction depuis des années. Une telle détermination collective aboutit logiquement à un résultat exceptionnel.